Nicolas Poussin – La Mort de Chioné (1622).
A Jacques Stella
Kurt Sunderland
Mon cher ami,
Je sais bien que c’est difficile de poursuivre une conversation lorsqu’une telle distance nous sépare, mes amis en France et moi en Italie. Néanmoins je suis bien content de vous écrire. Je sais que vous êtes informé sur le succès de mon dernier tableau “La Mort de Chioné” et je voulais expliquer un peu mes méthodes. Donc comme vous le savez j’avais dessiné une scène qui vient du mythe grec qui suit la vie de Chioné et les actions qui ont mené à sa mort. Pour récapituler l’histoire de Chioné, je dirais que c’était une femme très belle, donc quelques dieux l’admiraient. En particulier les dieux Mercure et Apollon étaient attirés par elle, et après un certain temps, ils ont fini par la violer. Elle est tombée enceinte, et après elle a accouché de deux fils, un de chaque dieu. Il y avait Autolycus le fils de Mercure, et puis Philammon le fils d’Apollon. Elle a remarqué qu’elle était la mère des deux fils qui avaient des dieux pour pères, et elle s’est donc prise pour la plus belle femme du monde. Le seul problème est que les dieux n’aiment pas l’arrogance, et un jour elle a fait l’erreur fatale de dire qu’elle était plus belle que les déesses en particulier la déesse Diane, la sœur jumelle d’Apollon, père de Philammon. Après avoir fait cette erreur, Diane a chassé Chioné à travers les bois et lui a tiré une flèche dans la langue pour couper court à son arrogance. Quand Diane a tué Chioné, l’oncle des jumeaux Autocylus et Philammon, Ceyx les a protégés. Après la mort de Chioné, son père Dedalion qui était un guerrier célèbre a grimpé sur le Parnasse et il a tenté de se suicider, mais après l’avoir sauter, le dieu Apollon l’a transformé en épervier pour qu’il survive.
Maintenant j’espère que vous voyez comment j’ai intégré le mythe et comment je l’ai traduit sous une forme visuelle. C’est évident que j’ai dessiné quelques scènes d’une manière ni réaliste ni chronologique. Je mentionne ce fait parce que quand vous regardez à gauche du tableau vous pouvez voir Daedalion au moment où il devient épervier, je voulais utiliser ce moment, parce que je croyais qu’il était important de représenter le père de Chioné et les effets de sa mort. J’ai choisi de dessiner la déesse Diane en train de voler dans l’air parce que je voulais communiquer comment la nature peut être surnaturelle dans un tableau, et par contraste j’ai dessiné Chioné mort dans cette position, parce que je la trouve plus réaliste. Donc j’ai choisi une représentation fictive côte à côte avec une représentation réaliste, mais les deux représentations sont tout de même dramatiques. Je crois qu’à travers la juxtaposition des deux personnages les représentations sont rendues plus prononcées. Si vous regardez les jumeaux vous pouvez voir que je les ai dessinés pareils, parce que dans l’histoire ce n’est pas important de savoir qui en était le père. Quand j’ai dessiné Cexcy le frère de Chioé je voulais le représenter comme proche des jumeaux mais aussi proche de sa sœur, parce qu’à travers cette proximité entre le frère et la sœur on peut voir une représentation de leur attachement émotionnel, pas juste une proximité physique. Similairement la proximité entre les jumeaux et Cexcy, quand il les entoure avec ses bras symbolise le rôle qu’il prend en tant que nouveau protecteur des enfants après la mort de sa sœur.
Comme je l’ai déjà dit, les poses des personnages dans ce tableau sont dramatiques, mais c’était exactement ce que je voulais montrer dans cette représentation du mythe de Chioné. Je me suis inspiré du tableau de Rafael qui montrait des personnages dans des scènes et des poses dramatiques également. Donc, voilà c’est tout, mon ami. Je voulais prendre la trame d’une histoire mythologique et la traduire visuellement. En peignant ce tableau j’ai rompu certaines règles de représentation, comme l’utilisation de quelques moments différents dans un tableau cohésif. J’y ai aussi inclus des éléments surnaturels, et quelques critiques ont dit que c’est absurde de peindre à la fois de manière réaliste et surnaturelle. J’espère qu’un jour je pourrai retourner dans mon pays d’origine, mais pour le moment je reste ici en Italie. Vous me manquez beaucoup mon ami et j’espère que vous partagerez cette lettre avec les étudiants d’art qui veulent apprendre mes méthodes.
Cordialement,
Votre ami, Poussin
Citations
Poussin, Nicolas. La Mort de Chioné. 1622, Musée des Beaux-Arts de Lyon, Lyon.